O jogo do petróleo e a política

Les Français et les Russes veulent préserver leurs acquis en Irak
L'arrivée éventuelle des concurrents américains après une guerre inquiète TotalFinaElf, l'un des groupes les plus actifs dans le pays, avec le russe Loukoil. Ces dernières années, une quarantaine de compagnies ont déjà établi des contacts avec Bagdad pour l'exploitation des gisements.
Les militaires américains ne sont pas les seuls à préparer de grandes manœuvres en Irak. Au Koweït, allié des Etats-Unis, les deux principales "majors" américaines du pétrole, ExxonMobil et ChevronTexaco, campées sur leurs positions acquises dans l'Emirat, sont prêtes à franchir la frontière jusqu'ici interdite. Mais ces multinationales devront compter avec une forte concurrence, qui, comme pour la diplomatie, se dessine autour d'un axe Paris-Moscou.
Selon des informations recueillies par Le Monde auprès de sources proches du ministère du pétrole irakien, une quarantaine de sociétés pétrolières avaient, en 1998, établi des contacts avec les autorités irakiennes, en vue d'exploiter les immenses ressources du pays. Une étude de la Deutsche Bank, publiée en octobre 2002, en a recensé, elle, une vingtaine. Les Russes arrivent en tête, avec six compagnies, suivis d'une pléiade d'opérateurs venus de tous horizons : Indonésie, Malaisie, Algérie, Turquie, Chine, Vietnam, Japon, Australie, mais aussi Italie, Espagne, Royaume-Uni, et, bien sûr, France...
DES OPTIONS
Toutes convoitent les gisements "prouvés" de l'Irak, soit quelque 112 milliards de barils de brut, "dont 35 milliards immédiatement exploitables",estime Jean-François Giannesini, ingénieur en chef à l'Institut français du pétrole (IFP). Des gisements sur lesquels le français TotalFinaElf et le russe Loukoil ont, ces dernières années, pris à eux seuls des options couvrant le quart de cette production potentielle. A cela s'ajoutent les réserves "probables", le long de la frontière avec l'Arabie saoudite et la Jordanie, qui contiendraient, selon M. Giannesini, "entre 60 et 200 milliards de barils". La Deutsche Bank affirme que "neuf licences d'exploration ont été proposées" par l'Irak pour cette zone très prometteuse à des groupes comme Repsol (Espagne), Sonatrach (Algérie), Petronas (Malaisie), ou Pertamina (Indonésie)...
Pour mettre en production ce potentiel, l'Irak doit trouver entre 30 et 40 milliards de dollars (28 à 37,3 milliards d'euros), estiment les experts. D'où les tentatives du pays d'attirer par tous les moyens les investisseurs, malgré l'embargo dont il est l'objet. Total - dont l'ancêtre, la Compagnie française des pétroles, est présente dans ce pays depuis 1927 - a réussi à devenir un interlocuteur majeur pour Bagdad depuis la fin du conflit Iran-Irak (1988). "La guerre du Golfe, en 1990-1991, a interrompu nos discussions. Nous les avons relancées en 1992 et travaillé avec l'idée de signer un accord applicable quand l'embargo serait levé", explique Christophe de Margerie, directeur général exploration-production de TotalFinaElf. Le groupe français a focalisé son attention sur Bin-Umar et Majnoun, deux gisements non encore mis en production, dans la région de Bassorah, la grande ville du sud, proche du seul terminal maritime de l'Irak sur le golfe Persique. Ces réserves représenteraient respectivement 5 milliards et 7 à 8 milliards de barils, selon Total. En 1995, le groupe français espérait pouvoir signer un contrat-type de partage de production, liant les pays producteurs (propriétaires des réserves) et les compagnies exploitantes (multinationales). "Nous avons demandé qu'il soit écrit en toutes lettres, dans le document, que nous ne serions pas en mesure de respecter l'intégralité de nos engagements tant que l'embargo de l'ONU ne serait pas levé, explique M. de Margerie. Nous aurions bien aimé signer, mais les Irakiens ont tergiversé. Le contrat est prêt depuis 1995, mais il n'a toujours pas été signé".
"VASTE JEU POLITIQUE"
Loukoil, lui, a conclu en 1999 un contrat en bonne et due forme. Le russe est ainsi impliqué dans l'exploitation du gisement de West Kurna (5 à 8 milliards de barils). Mais il n'a pas mis en œuvre ledit contrat, spectaculairement résilié par l'Irak en janvier. "Au cours des trois ans -du contrat-, la firme russe n'a pas investi un seul dollar dans le projet, -alors qu'elle aurait dû investir- environ 200 millions de dollars", expliquait lundi 10 février, le ministre irakien du pétrole par intérim, Samir Abdel Aziz Al-Nejm.
"On est dans un vaste jeu politique", analyse Adam Sieminski, de la Deutsche Bank. Dans son rapport d'octobre, la banque allemande, prémonitoire ou bien informée, affirmait déjà que "l'objectif réel de ces accords -semble- plus politique qu'économique. L'Irak a verrouillé la France, la Russie et la Chine dans des contrats lucratifs, en milliards de dollars, pour influencer les cinq membres du Conseil de sécurité de l'ONU".
Les Américains rebattront-ils complètement les cartes, pour favoriser leurs propres compagnies, une fois parvenus à Bagdad ? "Nous nous sentons confiants sur la base de nos relations. A moins que ce pays ne soit mis sous tutelle, les Irakiens auront droit à la parole, veut croire M. de Margerie. Nous avons cherché à prendre de l'avance. A partir du moment où l'on passerait à un régime post-embargo, il n'y a pas de raison que nous ne participions pas au développement pétrolier du pays. Nous, nous avons respecté l'embargo et les lois internationales, nous ne voulons pas être pénalisés". Pour TotalFinaElf, l'enjeu est stratégique. Le Proche-Orient renferme 66 % des réserves mondiales et le groupe français tire seulement 18 % de sa production de cette région, où il est pourtant présent dans sept pays. A l'heure où BP choisit de se tourner massivement vers la Russie, en signant un contrat record, le groupe français n'entend pas se laisser déposséder du fruit de ses investissements dans le Golfe.
Mais les Etats-Unis se souviendront sans doute que Total les avait défiés en 1997, en signant un contrat gazier en Iran, aux côtés du russe Gazprom et du malaisien Petronas. Les compagnies américaines en étaient, elles, empêchées par la loi du sénateur républicain américain Alfonso D'Amato, qui interdit depuis 1996 tout investissement dans ce pays, accusé de financer le terrorisme. Le sénateur D'Amato avait voulu étendre le champ de sa loi à toute société occidentale, et avait menacé la compagnie pétrolière française de sanctions si elle investissait en Iran. Mais l'Union européenne avait rejeté cette vision expansionniste du droit américain et pris la défense de Total. Depuis, dans son sillage, d'autres pétroliers européens, l'italien Agip ou l'anglo-néerlandais Shell, ont à leur tour investi en Iran. Des compagnies américaines avaient elles aussi dénoncé, dans la presse, la loi D'Amato, qui les empêchaient, disaient-elles, "de travailler".
M. Giannesini, à l'IFP, rappelle que "la norme dans le pétrole, c'est la coopération internationale. Les compagnies sont liées les unes aux autres dans le monde entier, pour l'exploration des grands gisements. Je n'imagine pas que TotalFinaElf soit totalement évincée d'Irak". M. Sieminski, lui, prédit "un partage compétitif du marché".
Laure Belot et Pascal Galinier
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BP devient le 3e pétrolier russe
Le groupe pétrolier britannique BP a annoncé, mardi 11 février, le plus gros investissement étranger jamais réalisé en Russie. BP va créer une société commune avec les holdings russes Alfa et Access Renova (AAR), propriétaires du quatrième groupe pétrolier russe, TNK. Le nouvel ensemble deviendra le numéro trois en Russie. Le montant de cet investissement est de 6,75 milliards de dollars (6,28 milliards d'euros). Il va accroître de 25 % la production du britannique.
BP, qui a annoncé un résultat annuel en recul de 25 %, mise beaucoup sur les réserves abondantes et les coûts de production compétitifs en Russie. La nouvelle société possédera une capacité de production de 1,21 million de barils par jour, et les réserves totales avérées du groupe s'élèvent à 9,488 milliards de barils.
C'est une "percée fondamentale"et le signal du regain de "confiance des investisseurs étrangers pour les compagnies russes", a estimé le président d'Alfa-Group, Mikhaïl Friedman, pour qui cet investissement marque l'entrée de la Russie dans "la communauté internationale des affaires".
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Boas !
L'arrivée éventuelle des concurrents américains après une guerre inquiète TotalFinaElf, l'un des groupes les plus actifs dans le pays, avec le russe Loukoil. Ces dernières années, une quarantaine de compagnies ont déjà établi des contacts avec Bagdad pour l'exploitation des gisements.
Les militaires américains ne sont pas les seuls à préparer de grandes manœuvres en Irak. Au Koweït, allié des Etats-Unis, les deux principales "majors" américaines du pétrole, ExxonMobil et ChevronTexaco, campées sur leurs positions acquises dans l'Emirat, sont prêtes à franchir la frontière jusqu'ici interdite. Mais ces multinationales devront compter avec une forte concurrence, qui, comme pour la diplomatie, se dessine autour d'un axe Paris-Moscou.
Selon des informations recueillies par Le Monde auprès de sources proches du ministère du pétrole irakien, une quarantaine de sociétés pétrolières avaient, en 1998, établi des contacts avec les autorités irakiennes, en vue d'exploiter les immenses ressources du pays. Une étude de la Deutsche Bank, publiée en octobre 2002, en a recensé, elle, une vingtaine. Les Russes arrivent en tête, avec six compagnies, suivis d'une pléiade d'opérateurs venus de tous horizons : Indonésie, Malaisie, Algérie, Turquie, Chine, Vietnam, Japon, Australie, mais aussi Italie, Espagne, Royaume-Uni, et, bien sûr, France...
DES OPTIONS
Toutes convoitent les gisements "prouvés" de l'Irak, soit quelque 112 milliards de barils de brut, "dont 35 milliards immédiatement exploitables",estime Jean-François Giannesini, ingénieur en chef à l'Institut français du pétrole (IFP). Des gisements sur lesquels le français TotalFinaElf et le russe Loukoil ont, ces dernières années, pris à eux seuls des options couvrant le quart de cette production potentielle. A cela s'ajoutent les réserves "probables", le long de la frontière avec l'Arabie saoudite et la Jordanie, qui contiendraient, selon M. Giannesini, "entre 60 et 200 milliards de barils". La Deutsche Bank affirme que "neuf licences d'exploration ont été proposées" par l'Irak pour cette zone très prometteuse à des groupes comme Repsol (Espagne), Sonatrach (Algérie), Petronas (Malaisie), ou Pertamina (Indonésie)...
Pour mettre en production ce potentiel, l'Irak doit trouver entre 30 et 40 milliards de dollars (28 à 37,3 milliards d'euros), estiment les experts. D'où les tentatives du pays d'attirer par tous les moyens les investisseurs, malgré l'embargo dont il est l'objet. Total - dont l'ancêtre, la Compagnie française des pétroles, est présente dans ce pays depuis 1927 - a réussi à devenir un interlocuteur majeur pour Bagdad depuis la fin du conflit Iran-Irak (1988). "La guerre du Golfe, en 1990-1991, a interrompu nos discussions. Nous les avons relancées en 1992 et travaillé avec l'idée de signer un accord applicable quand l'embargo serait levé", explique Christophe de Margerie, directeur général exploration-production de TotalFinaElf. Le groupe français a focalisé son attention sur Bin-Umar et Majnoun, deux gisements non encore mis en production, dans la région de Bassorah, la grande ville du sud, proche du seul terminal maritime de l'Irak sur le golfe Persique. Ces réserves représenteraient respectivement 5 milliards et 7 à 8 milliards de barils, selon Total. En 1995, le groupe français espérait pouvoir signer un contrat-type de partage de production, liant les pays producteurs (propriétaires des réserves) et les compagnies exploitantes (multinationales). "Nous avons demandé qu'il soit écrit en toutes lettres, dans le document, que nous ne serions pas en mesure de respecter l'intégralité de nos engagements tant que l'embargo de l'ONU ne serait pas levé, explique M. de Margerie. Nous aurions bien aimé signer, mais les Irakiens ont tergiversé. Le contrat est prêt depuis 1995, mais il n'a toujours pas été signé".
"VASTE JEU POLITIQUE"
Loukoil, lui, a conclu en 1999 un contrat en bonne et due forme. Le russe est ainsi impliqué dans l'exploitation du gisement de West Kurna (5 à 8 milliards de barils). Mais il n'a pas mis en œuvre ledit contrat, spectaculairement résilié par l'Irak en janvier. "Au cours des trois ans -du contrat-, la firme russe n'a pas investi un seul dollar dans le projet, -alors qu'elle aurait dû investir- environ 200 millions de dollars", expliquait lundi 10 février, le ministre irakien du pétrole par intérim, Samir Abdel Aziz Al-Nejm.
"On est dans un vaste jeu politique", analyse Adam Sieminski, de la Deutsche Bank. Dans son rapport d'octobre, la banque allemande, prémonitoire ou bien informée, affirmait déjà que "l'objectif réel de ces accords -semble- plus politique qu'économique. L'Irak a verrouillé la France, la Russie et la Chine dans des contrats lucratifs, en milliards de dollars, pour influencer les cinq membres du Conseil de sécurité de l'ONU".
Les Américains rebattront-ils complètement les cartes, pour favoriser leurs propres compagnies, une fois parvenus à Bagdad ? "Nous nous sentons confiants sur la base de nos relations. A moins que ce pays ne soit mis sous tutelle, les Irakiens auront droit à la parole, veut croire M. de Margerie. Nous avons cherché à prendre de l'avance. A partir du moment où l'on passerait à un régime post-embargo, il n'y a pas de raison que nous ne participions pas au développement pétrolier du pays. Nous, nous avons respecté l'embargo et les lois internationales, nous ne voulons pas être pénalisés". Pour TotalFinaElf, l'enjeu est stratégique. Le Proche-Orient renferme 66 % des réserves mondiales et le groupe français tire seulement 18 % de sa production de cette région, où il est pourtant présent dans sept pays. A l'heure où BP choisit de se tourner massivement vers la Russie, en signant un contrat record, le groupe français n'entend pas se laisser déposséder du fruit de ses investissements dans le Golfe.
Mais les Etats-Unis se souviendront sans doute que Total les avait défiés en 1997, en signant un contrat gazier en Iran, aux côtés du russe Gazprom et du malaisien Petronas. Les compagnies américaines en étaient, elles, empêchées par la loi du sénateur républicain américain Alfonso D'Amato, qui interdit depuis 1996 tout investissement dans ce pays, accusé de financer le terrorisme. Le sénateur D'Amato avait voulu étendre le champ de sa loi à toute société occidentale, et avait menacé la compagnie pétrolière française de sanctions si elle investissait en Iran. Mais l'Union européenne avait rejeté cette vision expansionniste du droit américain et pris la défense de Total. Depuis, dans son sillage, d'autres pétroliers européens, l'italien Agip ou l'anglo-néerlandais Shell, ont à leur tour investi en Iran. Des compagnies américaines avaient elles aussi dénoncé, dans la presse, la loi D'Amato, qui les empêchaient, disaient-elles, "de travailler".
M. Giannesini, à l'IFP, rappelle que "la norme dans le pétrole, c'est la coopération internationale. Les compagnies sont liées les unes aux autres dans le monde entier, pour l'exploration des grands gisements. Je n'imagine pas que TotalFinaElf soit totalement évincée d'Irak". M. Sieminski, lui, prédit "un partage compétitif du marché".
Laure Belot et Pascal Galinier
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BP devient le 3e pétrolier russe
Le groupe pétrolier britannique BP a annoncé, mardi 11 février, le plus gros investissement étranger jamais réalisé en Russie. BP va créer une société commune avec les holdings russes Alfa et Access Renova (AAR), propriétaires du quatrième groupe pétrolier russe, TNK. Le nouvel ensemble deviendra le numéro trois en Russie. Le montant de cet investissement est de 6,75 milliards de dollars (6,28 milliards d'euros). Il va accroître de 25 % la production du britannique.
BP, qui a annoncé un résultat annuel en recul de 25 %, mise beaucoup sur les réserves abondantes et les coûts de production compétitifs en Russie. La nouvelle société possédera une capacité de production de 1,21 million de barils par jour, et les réserves totales avérées du groupe s'élèvent à 9,488 milliards de barils.
C'est une "percée fondamentale"et le signal du regain de "confiance des investisseurs étrangers pour les compagnies russes", a estimé le président d'Alfa-Group, Mikhaïl Friedman, pour qui cet investissement marque l'entrée de la Russie dans "la communauté internationale des affaires".
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Boas !