
Léon Schwartzenberg: un briseur de tabous impénitent
PARIS, 14 oct (AFP) - Briseur de tabous, imprévisible et parfois exaspérant, le professeur Léon Schwartzenberg, décédé mardi à l'âge de 79 ans à Villejuif (Val-de-Marne), était un cancérologue populaire, attachant, mais souvent décrié par ses pairs.
"Je me mêle de ce qui ne me regarde pas, mais c'est en disant aux gens +occupez-vous de vos affaires+ et +faites moi confiance+ qu'on réduit les peuples en esclavage", se plaisait à répéter cet humaniste engagé, dont l'omni-présence médiatique a irrité plus d'un de ses collègues.
Avec passion, il s'exprime sur la vie et la mort, chahutant au passage le respect du secret médical, et rendant publiques ses opinions: contre la dictature en Argentine, la torture, l'acharnement thérapeutique, les mères porteuses. Pour la vérité aux malades, la distribution de drogue sous contrôle médical aux toxicomanes afin de barrer la route aux trafiquants. A l'époque en France, la méthadone, un produit de substitution à présent prescrit, est interdite, relève-t-il.
Né le 2 décembre 1923 à Paris de parents juifs, il s'engage dans la résistance (FFI/ Forces Françaises de l'Intérieur et réseau franco-britannique d'évasion des aviateurs alliés) avec ses deux frères cadets. Dénoncés, ces derniers sont déportés en 1943 à Matthausen d'où ils ne reviendront pas.
Il est interdit de faculté de médecine en raison des lois raciales de Vichy. "Le Conseil de l'Ordre (des médecins) de l'époque restait muet", rappelait-il.
"parler vrai"
En 1977, alors que le cancer n'était évoqué que comme "une longue et douloureuse maladie", il publie "Changer la Mort" (en collaboration avec le journaliste Pierre Vianson-Ponté) où il plaide en faveur de la vérité au malade, en toutes circonstances. "La vérité doit toujours être dite, elle est toujours positive", selon cet homme à la voix cassée et aux yeux bleus qui savait séduire pour mieux convaincre.
Il n'hésite pas à relever les contradictions de la société: "mentir au cancéreux par compassion et dire la vérité à ceux qui ont le sida par peur de la contagion, cela procède d'une égale saloperie", disait-il à l'apparition de cette maladie en France, alors dénuée des puissantes trithérapies actuelles.
Avec "Requiem pour la vie" (1985), il s'attaque à un autre tabou, l'euthanasie. En 1991, l'Ordre des médecins le suspend d'exercice pour un an, pour avoir révélé dans la presse en 1987 l'aide qu'il avait apportée à un malade incurable. En 1993, le Conseil d'Etat annule cette décision.
Adepte du "parler vrai", il doit démissionner de son poste de ministre délégué à la Santé (29 juin-7 juillet 1988, un record de brièveté) du premier gouvernement de Michel Rocard, pour avoir proposé publiquement un dépistage systématique du sida chez les femmes enceintes, et pour ses positions sur la lutte contre la drogue.
Il tâte à nouveau de la politique comme député européen (1989-1994), élu sur la liste socialiste, puis brièvement, en 1992, comme conseiller régional de PACA (liste Energie Sud de Bernard Tapie), mandat qu'il est contraint d'abandonner pour dépassement de frais de campagne.
Mais c'est aussi le défenseur des sans-abri et des sans-papiers qui laissera sans doute un des souvenirs les plus attachants.
BC-phc/pc/jlb
14/10/03 13:41
PARIS, 14 oct (AFP) - Briseur de tabous, imprévisible et parfois exaspérant, le professeur Léon Schwartzenberg, décédé mardi à l'âge de 79 ans à Villejuif (Val-de-Marne), était un cancérologue populaire, attachant, mais souvent décrié par ses pairs.
"Je me mêle de ce qui ne me regarde pas, mais c'est en disant aux gens +occupez-vous de vos affaires+ et +faites moi confiance+ qu'on réduit les peuples en esclavage", se plaisait à répéter cet humaniste engagé, dont l'omni-présence médiatique a irrité plus d'un de ses collègues.
Avec passion, il s'exprime sur la vie et la mort, chahutant au passage le respect du secret médical, et rendant publiques ses opinions: contre la dictature en Argentine, la torture, l'acharnement thérapeutique, les mères porteuses. Pour la vérité aux malades, la distribution de drogue sous contrôle médical aux toxicomanes afin de barrer la route aux trafiquants. A l'époque en France, la méthadone, un produit de substitution à présent prescrit, est interdite, relève-t-il.
Né le 2 décembre 1923 à Paris de parents juifs, il s'engage dans la résistance (FFI/ Forces Françaises de l'Intérieur et réseau franco-britannique d'évasion des aviateurs alliés) avec ses deux frères cadets. Dénoncés, ces derniers sont déportés en 1943 à Matthausen d'où ils ne reviendront pas.
Il est interdit de faculté de médecine en raison des lois raciales de Vichy. "Le Conseil de l'Ordre (des médecins) de l'époque restait muet", rappelait-il.
"parler vrai"
En 1977, alors que le cancer n'était évoqué que comme "une longue et douloureuse maladie", il publie "Changer la Mort" (en collaboration avec le journaliste Pierre Vianson-Ponté) où il plaide en faveur de la vérité au malade, en toutes circonstances. "La vérité doit toujours être dite, elle est toujours positive", selon cet homme à la voix cassée et aux yeux bleus qui savait séduire pour mieux convaincre.
Il n'hésite pas à relever les contradictions de la société: "mentir au cancéreux par compassion et dire la vérité à ceux qui ont le sida par peur de la contagion, cela procède d'une égale saloperie", disait-il à l'apparition de cette maladie en France, alors dénuée des puissantes trithérapies actuelles.
Avec "Requiem pour la vie" (1985), il s'attaque à un autre tabou, l'euthanasie. En 1991, l'Ordre des médecins le suspend d'exercice pour un an, pour avoir révélé dans la presse en 1987 l'aide qu'il avait apportée à un malade incurable. En 1993, le Conseil d'Etat annule cette décision.
Adepte du "parler vrai", il doit démissionner de son poste de ministre délégué à la Santé (29 juin-7 juillet 1988, un record de brièveté) du premier gouvernement de Michel Rocard, pour avoir proposé publiquement un dépistage systématique du sida chez les femmes enceintes, et pour ses positions sur la lutte contre la drogue.
Il tâte à nouveau de la politique comme député européen (1989-1994), élu sur la liste socialiste, puis brièvement, en 1992, comme conseiller régional de PACA (liste Energie Sud de Bernard Tapie), mandat qu'il est contraint d'abandonner pour dépassement de frais de campagne.
Mais c'est aussi le défenseur des sans-abri et des sans-papiers qui laissera sans doute un des souvenirs les plus attachants.
BC-phc/pc/jlb
14/10/03 13:41